Lors de mon dernier voyage naturaliste en Namibie, j’ai passé trois nuits dans la réserve privée d’Okonjima réputée pour sa population de carnivores, notamment le léopard et la hyène brune. Retour sur quelques instants de safari.
La Okonjima Nature Reserve et la fondation Africat
D’une superficie de 22 000 hectares, la réserve d’Okonjima se situe en Namibie dans les monts Omboroko entre la capitale Windhoek et le parc national Etosha. Okonjima signifie « le lieu des babouins » en langue herero.
Avant d’être une réserve pour la protection et la réhabilitation des animaux, Okonjima était une ferme d’élevage. Dès 1986, la ferme accueillait des hôtes mais avec l’indépendance de la Namibie en 1990 et le développement du tourisme, la Okonjima Nature Reserve pouvait enfin prendre réellement son envol comme lieu de protection de la nature.
La fondation Africat a été créée en 1993 comme un comme un sanctuaire pour les guépards et les léopards sauvés des éleveurs furieux de les voir sur leurs terres. Aujourd’hui, Africat se consacre à la protection et à la conservation à long terme de tous les grands animaux de Namibie. La fondation concentre aussi son travail sur l’éducation de la jeunesse namibienne à respecter la nature au sens large et les animaux en particulier, et sur des projets de recherche sur le léopard, la hyène brune, les rhinocéros blancs, le pangolin et l’oryctérope du Cap. Elle se situe au cœur même de la Okonjima Nature Reserve où se trouvent également le centre de soins et le centre de recherche.
Le tracking du léopard
Okonjima est réputée pour la densité de ses léopards. Dans le cadre des recherches scientifiques, certains individus sont équipés de colliers VHF (Very High Frequency). Grâce à la présence des colliers, l’observation des léopards s’avère plus aisée mais elle n’est pas garantie car le bush est dense dans certaines parties de la réserve. Je suis aussi allé à Okonjima début avril, ce qui correspond à la fin de la saison des pluies. A cette période, la végétation est plus feuillue, particulièrement en 2022 où les pluies ont été abondantes pendant l’hiver austral.
Des observations de léopards, j’en ai eu, des individus avec et sans colliers GPS. Et les observations ont été magnifiques. En voici quelques unes.
Le jour de mon arrivée à Okonjima, nous partons l’après-midi en safari après nous être installé au Plains Camp où nous dormons la première nuit. Nous croisons nos premiers chacals à chabraque, girafes, impalas, une outarde naine et même un boomslang, un serpent vert fluo dont le venin vide sa proie de son sang. Nous pistons un léopard équipé d’un collier VHF. Nous ne sommes pas loin, à quelques mètres tout au plus mais le bush est si dense qu’on ne peut pas l’animal. Nous rebroussons chemin alors que le soleil décline sur l’horizon. J’étais alors persuadé à ce moment précis que nous rentrerions ce jour là sans observation de léopards. Mais c’était sans compter le réseau de guides à Okonjima. Un autre guide nous informe que Mawenzi, un mâle de 12 ans, se déplace au nord de la réserve. Lorsque nous arrivons sur place, le soleil s’est couché. Mawenzi marche au milieu des hautes herbes. Nous sommes derrière le félin ; John, mon chauffeur-guide le contourne pour positionner le 4×4 face à lui. Mawenzi vient vers nous. La lumière est basse. Clic clac. L’instant est immortalisé.
Le lendemain, nous ferons d’autres observations. Dans la matinée, nous croisons la route de Vamos, une femelle léopard de 4 ans avec ses deux jeunes. Nous sommes restés un moment à observer les interactions des léopardeaux avec leur mère, les jeux et les déplacements. C’était juste incroyable. En tout fin de journée, à l’heure dorée, j’immortalise Neo, un mâle léopard de 8 ans se déplaçant sur la piste en terre rouge.
Et ce n’est pas fini, le dernier jour, nous avons la chance d’assister à une observation des plus intéressantes. Un jeune mâle d’un an, toujours sous la surveillance de sa mère léopard, mange les restes d’un impala dans un arbre. Il finit par appeler sa mère en poussant des cris. Lila, 9 ans finit par arriver. Elle grimpe aussi dans l’arbre, s’intéresse un temps à l’impala, et pousse des miaulements de mise en garde. Contre qui, nous ne le comprenant pas sur l’instant jusqu’au moment où nous apercevons derrière notre 4×4 Vamos que nous avions croisé la veille. Elle est sans ses jeunes et vient sur le territoire de sa propre mère Lila qui finira par lui laisser les restes de l’impala en quittant les lieux.
Les guépards à Okonjima
Depuis 1993, AfriCat a sauvé plus de 1 000 guépards et léopards des terres agricoles namibiennes, renvoyant plus de 85 % de ces animaux dans la nature.
En 2000, un projet de réintroduction des guépards d’Africat au sein d’Okonjima était lancé. Entre 2000 et 2018, 53 anciens guépards ont été relâchés dans la réserve. Le projet visait à évaluer si la réhabilitation est un instrument efficace de conservation d’une population menacée tout en sachant que la majorité des animaux réintroduits étaient des individus secourus des terres agricoles qui ont passé beaucoup de temps en captivité avant leur libération et dont leur âge à la sortie variait entre 10 mois et 8 ans.
Malheureusement, la réintroduction ne s’est pas passée comme l’aurait souhaité les équipes d’Okonjima et d’Africat. Le taux de mortalité de tous les guépards relâchés entre 2000 et 2018 à Okonjima s’élève à 76% dont 42% sont décédées au cours de la première année suivant la libération. Pour quelle raison ? La mise à mort par d’autres espèces représente 71% des décès. C’est le léopard qui est la principale cause puisqu’il représente à lui seul 81% des mises à mort par d’autres espèces. Les blessures mortelles subies pendant la chasse étaient la deuxième source de décès (13 %), suivie des maladies (11 %) et d’autres facteurs (5 %). Aujourd’hui, il n’y a plus de guépards qui vivent librement à Okonjima. La Fondation AfriCat a pris la décision que la réserve naturelle d’Okonjima avec sa forte population de léopards ne sera plus utilisée comme site pour relâcher les guépards.
5 guépards sauvés par Africat vivent dans un enclos de 14 hectares. Tous ont été accueillis très jeunes et ne seront a priori pas relâchés. Ils permettent à Africat de faire passer leur message d’éducation et d’alerte auprès des visiteurs.
J’ai eu l’opportunité d’assister à une course de guépard en présence du Docteur Diethard Rodenwoldt, vétérinaire AfriCat pour permettre aux guépards de maintenir leur instinct et de faire de l’exercice. Je dois vous faire savoir que ceci n’est pas proposé au grand public. C’est un privilège qui m’a été donné d’assister à un tel exercice. Une machine active un leurre le long de deux fins câbles. Immédiatement au moins l’un des guépards pourchasse le leurre comme s’il s’agissait d’une proie.
Même si les prises de vue ont été réalisées dans des conditions pas tout à fait naturelles, je dois vous avouer que c’est très impressionnant de voir courir des guépards vers soi à une vitesse proche des 100 km/heure.
A la rencontre du pangolin
La réserve privée d’Okonjima accueille une population de pangolins de Temminck (Smutsia temminckii). C’est l’une des 8 espèces de pangolin au monde et l’une des 4 espèces qui vit en Afrique. L’animal doit son nom au malais pengguling qui signifie « enrouleur ». Saviez-vous que le pangolin est l’espèce la plus braconnée au monde (surtout en Asie). Le pangolin de Temminck est classé comme « espèce vulnérable » sur la Liste rouge des espèces menacées de l’IUCN.
Le pangolin de Temminck est suivi par les scientifiques de la réserve d’Okonjima. Certains individus ont donc des balises GPS à des fins d’étude. Grâce au programme, la réserve estime que les pangolins de Temminck consomment environ 70 millions de fourmis et de termites par an. Elle recueille beaucoup d’autres données bien entendu. Par exemple, la recherche a mis en lumière que le pangolin de Temminck participe à l’aération du sol et à la germination des plantes en retournant le sol pendant sa phase d’alimentation lorsqu’il creuse la terre.
Comme c’est un animal nocturne, l’activité de tracking à pied du pangolin se déroule la nuit. Mon guide m’emmène sur la zone où les rangers sont présents. La présence d’une lampe est autorisée seulement sur la lumière rouge pour ne pas éblouir l’animal. Le pangolin est en mouvement permanent, en quête de nourriture. Je ne m’imaginais pas un déplacement aussi rapide. Sans flash (interdit) ni lumière blanche, pas facile de figer le mouvement du Smutsia, même à 12 800 isos puisque ma vitesse n’excède pas 1/80ème de seconde. Mais quelle expérience !
Autres rencontres avec les mammifères et les oiseaux
Bien entendu comme dans d’autres réserves animalières en Afrique, les safaris guidés nous amènent à croiser bien d’autres mammifères : des girafes, des oryx, des zèbres des plaines, des grands koudous, des damans des rochers, des chacals à chabraque dont un individu albinos mène sa vie dans la réserve, des springboks, des gnous, des impalas, des dik-diks, des bubales et quelques rhinocéros blancs.
Et côté ornithologie, la réserve d’Okonjima n’est pas en reste avec plus de 250 espèces d’oiseaux. Pendant mes safaris, j’ai pu observer le gonolek rouge et noir, l’autour gabar, le francolin à bec rouge, le ganga bibande, l’outarde Kori et l’outarde naine où j’ai assisté à une bataille de territoire entre deux mâles, et d’autres espèces.
Okonjima ne se limite pas à ses félins, loin de là. Une réserve est un système qui trouve son équilibre dans la diversité des espèces. Okonjima en est un bel exemple.
La hyène brune comme dernière observation
Avant de quitter Okonjima, il y avait un carnivore que je n’avais pas encore pu voir malgré une densité assez élevé. Il s’agit de la hyène brune. Et comme un signe du destin, alors que nous rentrions au Bush Camp où j’ai passé mes deux dernières nuits, une hyène brune était allongée sur la piste du retour. C’est promis, je reviendrai pour que nous passions plus de temps ensemble la prochaine fois.
Cahier pratique
Comment se rendre à Okonjima ?
Vol international jusque Windhoek. Il vous faudra ensuite louer une voiture deux roues motrices ou un 4×4 avec une tente selon la saison et les lieux visités.
Pour vous rendre à Okonjima, un 4×4 n’est pas nécessaire. Mais selon la suite de votre voyage, vous aurez peut-être envie de louer un 4×4 avec tente de toit. La Okonjima Nature Reserve se trouve à moins de 3h de route de l’aéroport international de Windhoek à mi chemin entre la capitale et le parc national Etosha.
Recherchez votre billet d'avion
Je vous invite aussi à tester le comparateur de vols Kayak.
Quand faire son safari à la Okonjima Nature Reserve ?
La meilleure période pour faire son safari à la Okonjima Nature Reserve est pendant la saison sèche entre mai et octobre. A cette époque, la végétation est plus sèche et moins feuillue, ce qui permet d’avoir une meilleure visibilité pour l’observation des mammifères.
Où dormir dans la réserve d’Okonjima ?
Il y a quatre hébergements au sein même de la Okonjima Nature Reserve :
- Okonjima Omboroko Campsites : Les quatre emplacements privés, partiellement équipés, partagent une piscine au pied des montagnes d’Ombokoro et sont situés dans la zone de non réhabilitation de 2000 ha. Coucher du soleil depuis les emplacements. Important : en pleine saison, les campeurs ne peuvent pas participer aux safaris guidés.
- Okonjima Plains Camp : C’est le camp principal composé de 10 chambres spacieuses avec vue, 14 chambres standard spacieuses et six chambres jardin plus abordables. Accessible aux personnes à mobilité réduites. Je vous en reparle dans un futur article. Réservez votre chambre sur Booking.
- Okonjima Luxury Bush Camp : Ambiance plus intime avec les huit chalets luxueux au toit de chaume de style africain, une suite junior et trois tentes safari avec salle de bains privative. J’ai passé deux nuits dans ce superbe camp. Je vous en reparle plus longuement prochainement. Réservez votre chalet sur Booking.
- Okonjima Private Bush Suite : Situées en bordure d’un point d’eau naturel, ses deux luxueuses suites séparées sous un toit de chaume à double volume peuvent accueillir une famille ou un groupe de quatre personnes.
Avec qui faire un safari en Namibie ?
Pour votre voyage et vos safaris en Namibie, je vous conseille d’adresser votre demande de voyage sur mesure auprès de l’agence de voyage francophone avec qui je travaille en Namibie. Je l’ai sélectionné pour son sérieux et sa capacité à répondre aux demandes personnalisées. Contactez Félix, Expert voyage qui vit en Namibie depuis 2004.
Livres et guides d’observation pour un voyage naturaliste en Namibie
Voici les 4 guides de référence pour votre voyage nature en Namibie :
- Roberts Bird Guide permet d’identifier 950 oiseaux d’Afrique du Sud (éditions Jacana). Disponible également en version IOS et Android.
- Field Guide to Mammals of Southern Africa recense tous les mammifères d’Afrique du sud mais aussi de Zambie, d’Angola et du Malawi (édition Ralph Curtis Publishing).
- Guide photo des grands mammifères d’Afrique (édition Delachaux)
- Guide de Voyage. Mon conseil : le Lonely Planet.
Partage et épingle cet article sur Pinterest
Je m’appelle Grégory et je suis l’auteur de My-Wildlife, mon blog sur les safaris, l’ornithologie et l’observation animalière. Si comme moi, tu aimes la nature, suis mes conseils et inspire-toi de mes carnets naturalistes pour voyager en découvrant la vie sauvage. J’accompagne aussi des voyages photo qui offrent la possibilité de progresser en photographie tout en bénéficiant d’excellentes conditions d’observation et de prises de vue.
▼ ▼ Suis-moi sur les réseaux sociaux ▼▼
- Garanti sans spam
- Non cession de votre adresse email à des tiers
- Désinscription en 1 clic
Bonsoir Grégory,
Nous préparons notre voyage en Namibie (fin mai/début juin 2024) et cet article sur Okonjima nous a scotché. J’espère pouvoir réaliser des images d’une telle qualité (bon, ok, suis en Nikon lol).
Nous allons parcourir tes autres articles sur la Namibie avec engouement.
Bien à toi
Karine et Michel
Merci Karine et Michel pour votre commentaire. La Namibie est un magnifique pays. Je ne connais personne qui n’y est pas revenu enchanté.