En plein hiver, je me suis rendu au Japon pour partir à la rencontre de la faune d’Hokkaido. Ce voyage dans l’Est de l’île a largement dépassé mes espérances. Je vous livre le récit de mes 9 jours de voyage en ne faisant volontairement que le focus sur les observations des oiseaux et des mammifères.
Les grues du Japon dans les marais de Kushiro
8 février 2020. Je quitte Kushiro pour rejoindre les marais de Kushiro réputés pour l’observation de la grue du Japon (Grus japonensis). En France, c’est notamment le travail de Vincent Munier qui a fait connaître l’espèce au plus grand nombre.
Sur le chemin, je croise mes premiers cerfs Sika. La zone humide a été classée parc national en 1987 et porte le nom de parc national Kushiro Shitsugen.
La grue du Japon tient une place particulière dans la culture japonaise. L’oiseau est symbole de longévité.
La grue du Japon était quasiment éteinte au début du XXème siècle. Pendant les années 50, les grues du Japon ont commencé à être nourri avec du maïs afin de passer l’hiver. Cette mesure de protection tient toujours car l’espèce est toujours classée en danger par l’UICN. La population d’Hokkaido est stable. On parle de 2800 individus matures dans le monde dont la moitié à Hokkaido.
Les grues du Japon sont élégantes avec leurs corps blancs agrémentés de noir sur le bout des ailes et sur le cou et avec ce cercle rouge sur la tête. Elles sont pour autant bien plus grande que les grues cendrées que j’avais photographiées au lac du Der. Jusqu’à 9,5 kg et 2,4 m d’envergure. Ce qui m’a le plus ému, c’est indéniablement d’observer les danses nuptiales des grues du Japon et leur réveil dans la rivière Setsuri.
Je suis resté une journée et demie dans les marais de Kushiro à observer les grues du Japon. J’aurais bien prolonger un peu plus. J’ai aussi pu croiser une chouette de l’Oural avant de quitter les lieux.
Le parc national Akan-Mashu
Avant de rejoindre la péninsule de Notsuke, je suis resté quelques jours au parc national Akan-Mashu pour y découvrir plusieurs activités hivernales (pêche, ski…). J’ai aussi pu faire quelques observations ornithologiques.
D’abord sur les bords du lac Kussharo où se réunissent chaque hiver les cygnes chanteurs. Ils apprécient particulièrement ce lac volcanique alimenté par plusieurs sources chaudes dont celle de Sunayu où je me suis arrêté. Sur la rive du lac, j’ai aussi pu observer une bergeronnette du Japon.
J’ai aussi expérimenté le canoë hivernal sur la rivière Kushiro en partant près de la source chaude de Kotan du lac Kussharo. Une descente paisible d’1h30 au rythme lent du courant et des sons de la nature. J’ai notamment pu observer tout en pagayant une bécassine solitaire, un cincle de Pallas et des harles brièvres.
Cerfs Sika et renard de la péninsule de Notsuke
La péninsule de Notsuke est réputée pour sa population sauvage de cerfs Sika. Bien que je ne sois resté qu’une demi-journée sur la péninsule de Notsuke, les observations de cerfs ont été nombreuses. Ils sont en effet présents en quantité, ils sont assez peu craintifs et le paysage est très ouvert.
La péninsule de Notsuke est une fine bande de terre plate et longue de 26 kilomètres bordée de chaque côté par l’océan. Alors que l’océan est gelé dans la partie de la baie, les vagues déferlent sur la plage de l’autre côté. Les cerfs Sika peuvent être de part et d’autre mais j’ai constaté que les grands groupes composés parfois d’une cinquantaine d’individus étaient plutôt sur la partie de la baie et les individus vivants en petit groupe du côté de l’océan non gelé.
Alors que je photographiais le coucher de soleil derrière la forêt de todomatsu, une espèce de conifères spécifique à la région, un renard roux de Sakhalin apparaît sur la berge opposée. Je traverse la route, monte sur la berge enneigée, observe le renard à distance. Je suis à découvert. Il n’y a rien pour me cacher. Le soleil couchant vient déposer sa lumière chaude sur la neige et le renard. Il n’arrête pas d’avancer en reniflant et en s’arrêtant de temps en temps pour creuser dans la neige. Il chasse. Je le suis à distance en tentant de raccourcir petit à petit les mètres qui nous séparent. Il semble m’accepter en m’ignorant. Il finit par aller sur la plage pour aller pêcher des coquilles Saint-Jacques. Je l’ai finalement laissé à ses occupations et je suis retourné photographier les tout derniers rayons du soleil sur la péninsule de Notsuke.
Les pygargues de la péninsule de shiretoko
Etape suivante : la péninsule de Shiretoko. C’est dit-on the place to be pour observer les pygargues de Steller et les pygargues à queue blanches.
Après avoir dormi à Rausu, je rejoins le port de pêche du village pour une croisière d’observation des deux rapaces. Le premier spécimen de pygargue de Steller que je photographie est tranquillement perché sur le lampadaire du parking du port. Il est immense. Je vérifie ses dimensions dans mon guide ornithologique. Jusqu’à 105 cm de haut, 245 cm d’envergure et 9 kg pour les plus gros mâles. C’est tout simplement le plus grand aigle au monde.
Je monte à bord du bateau Evergreen. Alors que j’attends le départ, j’observe dans le port plusieurs autres espèces d’oiseau : harelde boréale, goéland à manteau ardoisé, cormoran pélagique, fuligule milouinan. Plus tard, j’apercevrais aussi goéland à ailes grises, goéland bourgmestre, garrot à œil d’or, harle huppé, harle brière, canard pilet et corbeau à gros bec.
A 9h00, le bateau quitte le port. Nous sommes une vingtaine de photographes à bord équipés de téléobjectifs. A cette époque de l’année, la mer du Japon est généralement en glace mais cette année, l’hiver est anormalement chaud. A quelques miles du port, le bateau s’arrête et un membre de l’équipage jette des poissons à la mer pour attirer les pygargues. La croisière est une belle occasion pour faire de magnifiques images d’aigles en vol ou attrapant le poisson dans la mer. Les pygargues vont et viennent à tour de rôle dans un ballet bien rodé. Une centaine de rapaces tournent autour du bateau.
Pygargues de Steller et pygargues à queue blanches migrent chaque hiver au mois de novembre depuis la presqu’île du Kamtchatka ou les côtes de la mer d’Okhotsk en Sibérie septentrionale vers Hokkaido. Ils y retourneront fin février à fin mars.
Je retournerai le lendemain matin pour une croisière au moment du lever de soleil. L’intérêt est vraiment lié à la lumière et à la possibilité de faire des images différentes.
Si la croisière avec appâts ne vous convient pas, sachez que vous pouvez observer et photographier les pygargues le long de la route face au port. Ils sont souvent perchés dans les arbres.
Croisière autour des îles yuyili & Moyuruli
La prochaine étape se situe sur la péninsule de Nemuro un peu plus au sud d’Hokkaido. C’est un haut lieu de l’ornithologie à Hokkaido. 360 espèces d’oiseau fréquentent la péninsule.
Les spots sont assez nombreux. Pour ma part, c’est une croisière que j’ai réalisé à partir du port Ochiishi autour des îles yuyili et Moyuruli. Mais avant de monter dans le petit bateau de pêche, j’ai eu le droit d’assister à un accouplement de renards au beau milieu du village.
Nous ne sommes que trois personnes à bord en plus de l’équipage. Avant de sortir définitivement du port, j’ai le temps d’observer des macreuses noires, fuligules milouinans, harles brières, harles huppées, hareldes boréales, goélands à ailes grises, goélands bourgmestre et goélands à manteau ardoisé.
En mer, j’ai pu observer les espèces suivantes : cormoran pélagique, guillemot à cou blanc, grèbe jougris, starique minuscule mais se sont surtout des guillemots colombins et guillemots à lunettes que j’ai croisés en route. Il ne m’a pas était pas facile de photographier les espèces, le bateau bougeait beaucoup sous l’effet des vagues. A l’approche des îles, nous observons des phoques communs se prélassant sur des rochers ou des bancs de sable mais cerise sur le gâteau, nous observons aussi des loutres de mer. Selon l’UICN, au début des années 1700, « la population mondiale de loutres de mer était estimée entre 150 000 et 300 000 individus » mais la chasse a quasiment éteint l’espèce. Au début du XXème siècle leur nombre était descendu sous les 2000. Elles avaient même complètement disparu du Japon.
Le lac Furen et la péninsule d’Hashirikotan
Pour ma dernière journée d’ornithologie en hiver à Hokkaido, je passe deux heures au lac Furen. Ce lac d’eau saumâtre se trouve au sud de la péninsule d’Hashirikotan. Je rejoins les bords du lac (entrée payante : 1000 yens) sur les coups de 9h30. Une dizaine de photographes sont déjà là. A cette époque de l’année, le lac est gelé. Une procession de milans noirs virevoltant au dessus du lac m’accueille. Trente minutes plus tard, deux gars tirant une luge viennent déposer des appâts à une centaine de mètres des photographes. Pygargues de Steller et pygargues à queue blanches ne tardent pas à arriver sur les lieux ainsi que des corvidés. Des habitués m’ont affirmé que les années précédentes, il n’était pas rare de voir des accrochages entre rapaces et que c’était pour cela qu’ils venaient. Si j’ai pu voir quelques oiseaux se frictionner en vol, cela a été rare. Mon hypothèse est que l’hiver, assez chaud à Hokkaido, offre suffisamment de nourritures aux oiseaux car les plans d’eau étaient loin d’être tous gelés. Pourquoi se battre pour de la nourriture quand l’instinct vital de survie n’est pas engagé ?
L’après-midi, je suis allé explorer la péninsule d’Hashirikotan pour y photographier mes derniers pygargues et milans noirs. Avant de rentrer sur la ville de Kushiro, petit détour par le lac d’Akkeishi et ses cygnes chanteurs. Je n’ai qu’une envie, retourner à Hokkaido, hiver comme été.